Joël Monzée

Les écrans et les enfants

Compte rendu de la conférence de la Société de recherche en orientation humaine du 20 novembre 2014, à Montréal

Les écrans et les enfants : Au-delà des risques affectifs, des effets physiologiques réels

Conférencier invité :

M. Joël Monzée, Ph.D. (neurosciences), Directeur de l’Institut de développement de l’enfant et de la famille, professeur associé, Département de psychiatrie, Faculté de médecine et de sciences sociales (FMSS)

Les écrans font maintenant partie intégrante de nos vies. De plus en plus de recherches tentent de démontrer tantôt leurs effets bénéfiques, tantôt ceux qui sont nocifs. Notre conférencier, M. Joël Monzée nous a entretenus avec grande éloquence et dans une atmosphère conviviale d’un certain nombre d’effets des écrans, mais surtout des jeux vidéo sur les jeunes. Une question à laquelle il est difficile de répondre pour un parent, c’est à quel moment le jeune traverse le seuil des effets bénins vers ceux qui sont nocifs.

«Nous avons cru longtemps que, pour aider les enfants à grandir, il fallait leur enseigner mille et une connaissances.  Par ailleurs, le jeu fait partie de la vie de l’enfant, pour le plaisir, pour apprendre son rôle dans la communauté, pour développer ses capacités relationnelles, pour stimuler sa créativité.

L’industrie répond à ce double besoin en proposant des programmes de formation comme  «bébé Einstein», des jeux électroniques éducatifs et des occasions de chatter sur les téléphones modernes, ainsi que des films d’épouvante et des jeux-vidéos dont les effets spéciaux sont de plus en plus extraordinaires.  

Les écrans et les enfantsL’usage des écrans sert autant les activités scolaires que les loisirs. Nous passons tous de longues heures chaque jour assis à utiliser cette technologie.

Toutefois, est-ce toujours bon pour notre santé?  Quels sont les impacts en termes de qualité de vie, de forme physique, de santé mentale?  En d’autres termes, à quel moment franchissons-nous la limite entre un usage nécessaire et un usage problématique, voire toxique, pour notre santé?  Est-ce que la télévision ou les consoles de jeux vont aider les apprentissages scolaires ou vont-elles nuire  au développement des enfants?

Par exemple, on a cru longtemps que certains jeux ou films violents permettaient de canaliser l’agressivité et la colère des enfants et des adolescents.  Malheureusement, on constate de plus en plus souvent, autant à travers les études scientifiques que des drames décrits comme des «faits divers», que c’est l’inverse qui se produit.» (Joël Monzée)

Luc dupont, Joël MonzéeAu-delà de l’impact des écrans sur les dimensions culturelles ou sociales, l’exposé de notre conférencier nous a permis d’être sensibilisés aux les dimensions physiologiques de leur impact.  Plus spécifiquement, notre conférencier nous a aidés à comprendre comment les conditions psychologiques et les mécanismes  physiologiques contribuent à ce qu’un enfant ou un adolescent se développe sur le plan affectif d’une manière saine et sereine ou d’une manière qui altère ses habiletés relationnelles et l’actualisation de son potentiel.

Notre conférencier a décrit un certain nombre d’effets de consommation excessive des écrans. D’une part, il y a un lien entre le nombre d’heures passées devant les jeux vidéo et les TDAH (trouble de déficit d’attention et d’hyperactivité) ainsi que les comportements violents. D’autre part, pour environ 25 % des jeunes, il y a une relation entre le jeu et les difficultés scolaires. De plus, plus les jeux sont violents, plus il est facile de considérer autrui comme un ennemi, ce qui incite à devenir solitaire.

Comme tout mécanisme de satisfaction, le plaisir lié aux jeux vidéo libère de la dopamine. Comme pour les drogués, un excès de cette substance débranche les régulateurs noradrénaline et sérotonine. De plus, les excès de consommation de ces jeux créent une dépendance au désir de récompense, ce qui masque les mécanismes de bons sens.

Les écrans et les enfantsPar ailleurs, le jeu violent développe des structures de guerrier (situées dans la zone reptilienne du cerveau). Les artères sanguines se dilatent pour fournir irriguer cette zone, mais se contractent pour diminuer l’afflux de sang dans les autres zones cervicales.

Il n’y a pas si longtemps, le tabac était considéré comme un des traits distinctifs d’une société évoluée.  Il existait même des marques de cigarettes «recommandées par des médecins». Avec les années, la recherche, les découvertes et l’activisme en matière de santé publique ont permis de réaliser d’importantes percées en matière de prévention et de lutte contre le tabagisme.  Malheureusement, certains ont pris conscience trop tardivement de leurs incidences néfastes.

Cette conférence s’inscrivait dans une démarche de sensibilisation et de prévention durant laquelle l’auditoire a participé de façon dynamique afin de comprendre les mécanismes d’action des écrans et des jeux vidéo sur le cerveau et le comportement des enfants. Il ne s’agit pas de culpabiliser, ni les parents ni les jeunes.  La technologie fait partie de la vie moderne.  Toutefois, la compréhension de ses différents effets nous permet comme parent ou intervenant de faire des choix cohérents en regard de l’éducation que nous souhaitons offrir à nos enfants et nos adolescents pour qu’ils développent leurs ressources et leurs compétences.

Joël MonzéeM. Monzée a donné quelques suggestions aux parents. Par exemple, d’éviter les écrans aux enfants avant l’âge de trois ans. Par la suite, de limiter l’exposition aux écrans aux petits enfants, sauf en présence d’un adulte. D’autre part, les garçons sont généralement efficaces dans la gestion du stress à court terme. Il propose de les éduquer à travailler sur le long terme. Quant aux filles, il propose de les aider à déterminer les étapes pour atteindre leurs objectifs.

Pour obtenir encore d’autres renseignements sur ce thème, nous invitons les lecteurs à consulter une entrevue donnée à Radio-Canada par M. Joël Monzée : Écrans et enfants, un mélange dangereux et à lire un article de Mme Micheline Létourneau dans le numéro 47 de Psychologie préventive (automne 2014) : Nos tout-petits et la télévision, risques et prévention.

Paul Leduc avec la collaboration de P. Luc Dupont